Alors que la Tanzanie a pris la décision de rapatrier les réfugiés burundais à partir du début octobre au risque de violer le principe de non-refoulement,  fondation même de la Convention de 1951 qui régit les réfugiés, notre collègue Jean-Marie Ntahimpera appelle à la liberté des réfugiés dans la Communauté est-africaine  

Cette  décision est trop radicale pour un pays connu pour avoir accueilli plus ou moins généreusement les réfugiés burundais des crises des années 1972 et 1993.  Mais elle n’est pas surprenante vu la façon dont la Tanzanie a accueilli les réfugiés burundais depuis 2015. Elle les a confinés dans les camps de réfugiés, les empêchant de circuler librement, de travailler ou de faire du commerce. 

Ces restrictions viennent d’une série de conviction chez les autorités tanzaniennes : que les réfugiés sont un « fardeau » pour leur pays et qu’ils vont voler des emplois aux Tanzaniens si on leur laisse le droit de travailler. Mais cette conviction ignore quelques autres réalités : que les réfugiés peuvent contribuer au développement et créer des emplois pour eux-mêmes et  pour les citoyens d’accueil si on leur garantit le droit de circuler, d’étudier, de faire du commerce et de travailler librement.  

Des réfugiés créateurs du travail 

Cette capacité des réfugiés de contribuer au développement du pays d’accueil a été prouvée par les recherches que le professeur Alexander Betts et son équipe ont mené en Ouganda, un pays qui donne tous les droits ci-haut cités aux réfugiés. Dans une étude que ces chercheurs ont menée en 2014 dans la capitale Kampala et dans les camps de réfugiés de Nakivale et Kyangwali, les chercheurs ont trouvé que 21% des réfugiés urbains sont des entrepreneurs qui emploient d’autres personnes qui ne sont pas membres de leurs familles. Chacun de ces réfugiés emploie en moyenne 2,4 personnes, et 40% de ces employés sont des Ougandais. Dans les zones rurales, c’est 15% des réfugiés qui créent des emplois pour les autres, et 14% de leurs employés sont des Ougandais. 

Ces chiffres montrent que quand on donne aux réfugiés le droit de travailler librement, ces derniers créent des emplois pour eux-mêmes et pour les citoyens des pays d’accueil. 

Généraliser le modèle ougandais à l’EAC

Le modèle ougandais d’accueil des réfugiés devrait être généralisé à tous les pays de la communauté est-africaine. Ceci permettrait aux réfugiés d’être traités non pas comme un problème, mais comme une opportunité. Ceci aussi permettrait aux réfugiés d’être les meilleurs ambassadeurs de l’intégration de la communauté est-africaine. Après tout, la grande majorité des réfugiés dans les pays de l’EAC sont eux-mêmes originaires des pays de l’EAC (Burundais en Tanzanie et au Rwanda, Sud-Soudanais en Ouganda et au Kenya, etc). Ces réfugiés apprennent souvent les langues de leurs pays d’accueil, et deviennent le trait d’union entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Quand ils retourneront dans leurs pays, ils garderont des liens très étroits avec les pays et les communautés qui les auront accueillis.  

Les réfugiés originaires des pays de l’EAC ne devraient donc pas être traités avec dédain comme de minables  étrangers dans un autre pays membre de l’EAC. Nous devons prendre au sérieux l’idée que la Communauté est-africaine doit être notre grande maison à tous, et que nous devons y être accueillis comme des citoyens à part entière, que nous soyons réfugiés ou pas.  La Tanzanie devrait donc donner aux réfugiés l’opportunité de participer au développement des Tanzaniens, au lieu de les envoyer de force dans un pays qu’ils ont été obligés de quitter.