Alors que la banque de la république du Burundi vient de décider la réouverture des bureaux de change, signant la fin du maccarthysme monétaire, notre collègue Jonathan Ndikumana trouve que les nouvelles conditions pour l’ouverture dans la légalité d’un bureau d’échange, vont étouffer dans l’œuf les petits entrepreneurs.

Pour ouvrir un bureau de change à la BRB, le capital exigé pour les opérateurs économiques qui veulent se lancer dans ce marché des devises est dorénavant de 500 millions BIF. Une somme qui vient d’être multipliée par cinq car avant la fermeture des bureaux de change en février 2020, cette somme était de 100 millions BIF. Pour les étrangers, cette somme est de 400.000 USD, soit plus de 800 millions BIF. En plus, il faudra verser une caution de 50 millions BIF.

Pour Albert Nzinahora, cambiste informel qui veut passer dans le formel, « cette somme pour un pays dont le PIB par habitant est de 269 USD est exorbitante et décourageante, et va éliminer ceux qui disposent d’un petit capital comme moi ».

Albert confirme que dans tous les pays de l’EAC, à part en Tanzanie, cette somme est la plus exorbitante. En effet, les chiffres montrent qu’au cours officiel, les 500 millions de BIF de capital valent environ 238.100 USD. En Tanzanie, il faut un capital d’un milliard TZS, soit 427.900 USD. Au Kenya, cette somme est de 60.000 USD. Au Rwanda, ce sont 50 millions FRW, soit 45.850 USD. En Ouganda, ce sont 20 millions UGX, soit 5.344 USD.

La lourde bureaucratie

À part ce lourd capital, le propriétaire du bureau de change devra montrer un compte d’opération en BIF et en USD, et fournira l’historique bancaire. Il devra aussi obligatoirement adhérer à une association des changeurs de monnaie. Pour étudier un dossier d’ouverture d’un bureau de change à la BRB, il est demandé notamment, un million de BIF, un plan d’affaire, un casier judiciaire du propriétaire, de son gérant et de son caissier, une lettre d’agrément accompagnée par un formulaire dûment rempli, et un statut notarié. Les gérants et les caissiers des bureaux de change devront également avoir au minimum, un diplôme des humanités générales.

Pour Onésime Manirakoze, cambiste il y a 5 ans, il se demande le pourquoi d’un plan d’affaire, alors que la banque centrale ne montre pas comment les bureaux de change seront approvisionnés en devises. Pour les diplômes et les casiers judiciaires, cela va freiner voire éliminer dans ce commerce ceux qui n’ont pas terminé les écoles, ou des prisonniers qui ont écopé leurs peines qui ne pourront pas se réinsérer dans la société via ce commerce.

Quid des solutions ?

Visiblement, la question d’efficacité de la mesure de rouvrir les bureaux de change reste posée. Alors que cette mesure devrait s’inscrire dans la ligne de réduire les barrières dans le commerce intra-africain via le libre-échange, ces nouvelles conditions font renforcer les barrières, écartent les petits opérateurs et limitent les IDEs.

Compte tenu du rôle positif de la libre-concurrence dans le marché des devises, l’Etat burundais via la banque centrale devrait s’inspirer des pays de l’EAC dans la facilitation des affaires via la réduction de la somme exigée comme capital pour ouvrir un bureau de change, et réduire toute bureaucratie qui risque d’empêcher l’attraction des investissements locaux et étrangers.