Pourquoi ne pas continuer à produire notre nourriture et à élever nos bétails comme le faisaient nos parents et nos grands-parents avant nous ? Où en est-on avec l’innovation dans l’agrobusiness au Burundi ? Décryptage de notre collègue Elias Bagirimana qui braque les projecteurs sur des start-ups qui innovent pour faire avancer les secteurs agroalimentaires et agricoles au Burundi.

L’innovation en agribusiness nous permet de faire plus et mieux avec moins. Et le Burundi n’est pas en reste. De nouvelles initiatives voient le jour, développées par de jeunes start-ups innovantes. Le premier, c’est la société « Maison du fermier » de Wilbert Dusabe dans la commune Giheta de la province Gitega. Primo, sa société est le pionnier de la pisciculture à la maison. Alors qu’on savait qu’il fallait un marais pour élever des poissons, cette start-up a démontré qu’il est possible d’élever des poissons en terre sèche, dans des bassins, à l’aide de l’eau des pluies. Une innovation au Burundi. 

Secundo, Wilbert Dusabe est le génie de la fabrication du biogaz. Ce dernier est un mélange gazeux qui se forme lorsque les matières organiques comme la bouse ou les matières végétales se décomposent par l’activité microbiologique en l’absence d’air. Selon l’agripreneur Dusabe, « Cette technique de stockage des gaz dans des ballons engendre une grande rentabilité agricole, car après le processus de méthanisation, on obtient des digestats fertilisants ». 

L’industrie des mouches

 Et pour nourrir les animaux comme le poisson et le porc, l’incubation des œufs des mouches pour la nourriture animale est aussi une autre grande innovation de la maison du fermier. « La capture des œufs se fait dans la nature. Pour réussir la chasse, on utilise les substrats comme appât. Les mouches viennent et pondent des œufs. Puis, on enlève les fameux substrats sur lesquels les mouches ont déposé leurs œufs pour aller les mélanger avec des déchets. Enfin, on enferme le tout, dans un endroit approprié en guise d’incubation, pour récolter des asticots ou larves de mouches, 9 jours après », explique le jeune Wilbert du haut de ses 36 ans.

La Maison du Fermier s’en sert dans l’alimentation des poissons et des poules. « Le constat est que les asticots sont 5 fois plus riches en protéines que le soja, cet élément cher très utilisé dans l’alimentation des animaux. En plus, alors que le prix d’aliments de poissons, relativement moins riche en vitamine, coûte 2 500 BIF le kg, le cas des asticots ne coûte seulement que le temps de la capture des œufs », confie-t-il. Aujourd’hui, un poisson de type Claria nourri d’asticots atteint un poids de 5 kg à 4 mois, alors qu’il n’atteignait qu’un poids de 1,2 kg après 6 mois avec l’alimentation du marché.

 La farine de patate douce

Alors que la pénurie de la farine du blé fait rage au Burundi à cause de la guerre Russo-Ukrainienne, Kevin Camus avec sa société « Sweet Potatoes Company »  y a vu une opportunité pour innover la fabrication de la farine, pas à base de blé, mais à base de la patate douce. « Si nous sommes habitués aux farines de manioc, de blé, de maïs ou encore de Sorgho, d’autres espèces de plantes comme la patate douce peut aussi faire l’affaire », confie-t-il.

Après avoir constaté une consommation limitée de la patate douce au Burundi, l’idée d’innovation lui est venue quand il a croisé un jour une cultivatrice des patates douces qui se plaignait de sa récolte abondante. Vu les dépenses qu’elle a injectées dans ses champs, elle craignait qu’en les vendant, elle ne puisse pas récupérer son capital du fait qu’au Burundi, cette culture est marginalisée et par conséquent n’est pas prisée au même titre que la banane verte ou les pommes de terre. « Avec la farine, la patate douce peut dorénavant être longtemps conservée, et s’achète avec une valeur ajoutée », ajoute-t-il.

Les défis ne manquent pas

L’environnement des affaires qui n’est pas favorable, la recherche qui est encore au stade embryonnaire, le manque de soutien aux innovateurs, la non-consommation des produits locaux, le copier-coller, etc, sont quelques défis qui hantent l’innovation.

Et d’ailleurs, selon l’indice mondial d’innovation, l’image du Burundi est peu reluisante. En 2018, sur les 126 pays classés, il ne figurait même pas sur la liste. Cela parce qu’il ne répondait pas aux critères fixés par le classement. En 2019, sur les 129 économies classées, le Burundi occupe la 128ème place, avec un score de 17,65 %. En 2020 et 2021, le Burundi a été encore une fois le grand absent de ce rapport mondial.

Que faire ?

Des systèmes d’innovation agricole plus solides doivent être fondés sur la collaboration, tous les acteurs travaillant en réseau, pour produire des innovations dont le secteur a besoin et qu’il peut utiliser. Tout en améliorant la recherche au Burundi, il faut trouver un moyen de mettre les nouvelles idées en pratique, en aidant les jeunes agriculteurs à acquérir les compétences dont ils ont besoin.

C’est vrai, le Burundi connaît une floraison de nouvelles entreprises en agribusiness. Ce qui est très louable. Malheureusement, plusieurs entreprises sont moins innovantes et ne font que copier les autres. Or, selon Olivier Suguru, président de la chambre fédérale du commerce et de l’industrie du Burundi, un secteur industriel capable d’innover et d’apporter de solutions nouvelles est capable d’être compétitif sur le marché local et mondial, lutter efficacement contre la pauvreté et permettre un développement plus efficient.