Au Burundi, être cheffe d’une exploitation agricole pour l’agribusiness est un espoir pour nombreuses jeunes filles en chômage ou en milieu rural. Pour y arriver, l’accès à la terre est déterminant. Néanmoins, la problématique de l’accès à la terre figure parmi les contraintes majeures limitant leurs capacités d’investissement durable dans le domaine agro-pastoral. Le point avec notre collègue Lucie Butoyi.

Au Burundi, plus de 70 % de la main-d’œuvre travaillent dans le secteur de l’agriculture et de l’élevage, dont plus de 90 % sont des femmes. Une évidence que les femmes sont majoritaires dans le monde agricole. Malheureusement, la terre que ces filles et femmes cultivent, ne leur appartient pas. « J’ai envie de me lancer dans l’agribusiness pour quitter le chômage, mais je n’ai pas de terre pour démarrer ma petite plantation de piments, car mes frères ont invoqué la coutume burundaise pour me priver de l’héritage foncier de mon père, décédé quelques années auparavant », confie Gaudence Ndaruzaniye, une jeune fille dans la vingtaine, de Kayanza. 

Accéder à la terre devrait permettre à Gaudence de bien mener à bon port son projet agricole. Pourtant, par absence d’une loi sur les régimes matrimoniaux et la succession, Léa n’a plus de terre, et partage actuellement son toit avec sa mère.

Le vide juridique en cause

« Pour ce qui est de l’accès à la terre, nous les femmes  et filles sont des personnes à risque, et aucune loi ne nous défends », ajoute Gaudence. En effet, à l’heure qu’il est, la fille burundaise, celle rurale en l’occurrence n’a toujours pas droit à une propriété foncière. L’absence d’une loi sur le régime de succession en est la cause. La référence reste la coutume alors que l’interprétation de cette dernière discrimine la femme en général. À part l’absence de la loi sur la succession, même la lettre de politique foncière au Burundi adoptée par le décret n°100/72 du 26 avril 2010 qui trace les grandes orientations du gouvernement du Burundi pour organiser l’accès à la terre, l’appropriation de la terre et la sécurisation des droits y afférents, se montre presque muette par rapport à la problématique de l’accès des femmes à la terre. Nulle part dans la lettre n’est mentionnée le défi lié à l’accès à la terre pour les femmes et jeunes filles.

Le bémol de la démographie

« Déjà le partage, la distribution de la terre du père en fils réduit petit à petit encore, une terre de plus en plus petite », explique Gaudence. Le pourcentage des terres fertiles disponible pour l’agriculture au Burundi, diminue en raison du taux de croissance démographique élevé. En effet, la population ne cesse d’augmenter. Avec 400 habitants au km², la troisième densité la plus élevée sur le continent, le Burundi enregistre une des densités les plus exceptionnelles d’Afrique. Cette croissance démographique n’est pas sans conséquence, car elle engendre une occupation excessive des terres de cultures et en rend l’accès de plus en plus difficile surtout pour les populations à risque d’accès à la terre : les jeunes et les femmes.

En plus, « même si plus de la moitié de l’espace burundais est encore dédié à un usage agricole, cette surface ne cesse de reculer, grignotée par l’urbanisation, handicapant l’accès à la terre pour l’agribusiness », confie le démographe Régis Sindayihebura. 

Accès à la terre, support des financements

Outre l’accès à la terre, support des activités agricoles, le droit sur le sol peut être mobilisé pour d’autres fins, notamment la garantie de financements. La Banque mondiale dans son rapport 2008 souligne le lien entre terres et investissements : « Des systèmes d’administration des terres efficaces en termes de coûts, facilitent l’investissement agricole, diminuent le coût du crédit en recourant davantage à la terre comme bien donné en garantie des emprunts, de sorte à réduire le risque pour des institutions financières ». La terre est donc une garantie pour l’hypothèque en vue de l’accès au capital et au crédit. Mais, c’est sans oublier que les investisseurs préfèrent les terres qui permettent la reconnaissance de la propriété par un titre légal portant sur des surfaces géométriquement définies. D’où l’accès de la terre des jeunes, doit s’accompagner par la sécurisation de cette terre.

Piste de solutions

Le non-accès à la terre entrave l’agribusiness féminin, et maintient la femme et fille burundaise dans la stagnation économique et dans la dépendance économique. Pour rectifier le tir, il suffit de s’asseoir, peser le pour et le contre et trouver un compromis sur la planification des naissances pour faire face à la démographie, et l’urgence d’une loi sur les régimes matrimoniaux et sur la succession.

 En plus, il faut une application intégrale des textes garantissant le droit de la femme, ce qui constituerait une pierre angulaire dans ce combat. Mais aussi, l’autonomisation de la femme burundaise devrait être promue pour offrir aux femmes et filles une indépendance de pouvoir se payer une parcelle pour l’agribusiness.