Alors que l’année 2022 a été sacrée « année de la révolution agricole » au Burundi, la jeunesse burundaise ne s’intéresse pas très bien à l’agriculture, et sont absents dans l’agribusiness. Notre collègue Painette Niyongere est allée à la rencontre des jeunes pour décortiquer les enjeux, et propose des solutions concrètes pour attirer, impliquer et retenir les jeunes dans ce secteur.

« Les jeunes burundais réfléchissent à deux fois avant de se lancer dans l’agribusiness ». La réponse vient de Richard Nsanganiyumwami, un jeune chômeur burundais de 24 ans. Pour lui, saluant la création de la banque des jeunes et la banque agricole au Burundi, il fustige que l’accès au crédit pour un projet agricole est un parcours du combattant : « Les prestataires de services financiers hésitent à financer les projets agricoles en les qualifiants de secteur à risque, mais aussi hésitent à offrir du financement aux jeunes en les qualifiant de groupe à risque, entraînant ainsi une exclusion grandissante des jeunes du continuum de la finance agricole ».

Perte de compétitivité agricole

De toutes les menaces qui handicapent l’agrobusiness chez les jeunes, prime la perte de compétitivité de l’agriculture burundaise. Les revenus des jeunes agriculteurs sont de plus en plus impactés par le contrôle étatique des prix, faussant le libre-marché. « Avec la fixation étatique des prix des produits agricoles, ce sont les coopératives qui cultivent de grandes étendues avec l’aide des subventions gouvernementales qui y trouve un avantage, contrairement à nous jeunes qui cultivent de petites étendues avec nos propres moyens financiers qui sont obligés de vendre à un prix qui ne tient pas compte des efforts financiers fournis », confie Aline Ndikumana, jeune agripreneuse de la colline Mubuga.

 De plus, les restrictions commerciales dans la vente de certains produits d’une commune à une autre, ou interdisant l’exportation de certains produits agricoles, et le monopole des activités d’achat et de vente des produits agricoles, animales et halieutiques via ANAGESSA, restreint le marché d’écoulement et font croupir à terre les initiatives des jeunes agripreneurs. «En faisant restreindre le marché d’écoulement de nos produits, et faute de systèmes de stockage efficaces et appropriés, les produits qui résistent très mal aux conditions climatiques telles que les tomates, pommes de terre, mandarines ou céréales pourrissent, et ce sont des capitaux qui sont perdus » confie Bernadette Ndimubandi.

La technologie sous-estimée

Le potentiel que la technologie offre aux jeunes pour financer, créer et développer des entreprises agroalimentaires ne devrait pas être sous-estimé. Le hic, « les jeunes burundais n’ont pas des connaissances satisfaisantes sur l’usage des technologies de l’information et de la communication, et le Burundi a un faible débit internet qui fait que la qualité du service offert par les opérateurs est mauvaise, handicapant l’e-agribusiness et l’innovation agricole au Burundi », renchérit Aline Ndikumana de Mubuga.

En plus, par l’absence du « Data agricole » au Burundi, « les jeunes agriculteurs manquent des informations en temps réel leur permettant d’accéder au marché, de prendre de meilleures décisions agricoles et commerciales et d’améliorer le rendement et la qualité des cultures », ajoute Richard Nsanganiyumwami.

Les médias ne sont pas aussi d’une grande assistance. Des images négatives de familles agricoles émaciées, des informations faisant état de jeunes paysans non payés, d’une gestion post-récolte dévastatrice avec des céréales et des fruits pourris, dominent les reportages sur l’agriculture. « Tout cela a eu un impact négatif sur la perception des jeunes à l’égard de l’agribusiness », selon Bernadette Ndimubandi.

Solutions concrètes

Dans un rapport de la FAO intitulé « Agriculture as a sector of opportunity for young people in Africa », les experts s’accordent sur le fait que l’agriculture ne créera beaucoup d’emplois qu’avec l’implication de la jeunesse. Et d’ailleurs la déclaration de Malabo de l’Union Africaine qui fixe les objectifs du secteur agricole pour 2025, appelle à la création d’emplois dans le secteur en faveur d’au moins 30 % de jeunes. 

Pour y arriver, il faut revoir la politique agricole du Burundi pour un accès amélioré au financement des jeunes via le PAEEJ, la banque des jeunes et la banque agricole. Il faut aussi améliorer l’accès aux marchés via le libre-échange et le libre-entreprise, sans oublier d’impliquer directement les jeunes dans la chaîne d’approvisionnement agricole, et de leur permettre de développer des compétences et des connaissances. Ainsi, il en résulterait davantage d’emplois pour les jeunes, une augmentation de la production alimentaire pour une population en croissance, moins de dépendance à l’égard des importations alimentaires et un solde commercial plus équilibré pour le pays.