L’enregistrement des terres est un outil pour combattre et réduire l’insécurité juridique des droits fonciers. Malheureusement, au Burundi,le pourcentage des femmespar rapport aux hommes ayant accès aux services fonciers communaux pour sécuriser leurs droits fonciers, sont très peu nombreuses. Des contraintes à lever ? Le point avec notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira.

L’article 12 du code foncier du Burundi est clair. « Toute personne physique ou morale peut jouir, sans discrimination aucune, de tous les droits définis par le code foncier et les exercer librement ». Le bémol, l’accès des femmes burundaises aux certificats fonciers, reste faible. Selon les données, sur les 89 240 demandes de certificats fonciers qui avaient été reçues dans les services fonciers des quarante communes au 31 juillet 2015, 6 797 demandes, soit 7,6 % avaient été introduites par les femmes en leur nom. Selon ces mêmes données, parmi les 58 722 certificats fonciers qui ont été établis, 4 497 appartenaient aux femmes, soit 7,7 % seulement. De plus, 49 101 certificats fonciers ont été retirés, dont 3 688 certificats fonciers pour les femmes, soit 7,5 %.

Ce faible pourcentage des femmes par rapport aux hommes, illustre l’échec flagrant du système de l’immatriculation foncier pour les femmes, seule voie légale de sécurisation foncière. Mais, où est-ce que ça croche ?

Des contraintes à lever

Premièrement, les textes juridiques régissant le foncier, bien que traduits en kirundi, ne sont généralement pas connus des usagers. Cette ignorance juridique fait que certaines propriétés achetées par les femmes sont certifiées au niveau des ménages, au nom de leurs maris.

Secundo, les procédures d’enregistrement comptent nombreuses étapes, nécessitant une lourde bureaucratie. La lourdeur de ces procédures provoque des délais d’attente très longs, pouvant aisément atteindre deux ans pour un enregistrement. Selon le rapport Doing Business de la Banque mondiale, il faut faire six démarches qui prennent 120 jours en moyenne et coûtent environ 9 % de la valeur totale du bien foncier pour enregistrer une propriété en Afrique subsaharienne.

Tertio, l’enregistrement foncier exige des coûts élevés auxquels la plupart des Burundaises ne peuvent pas faire face. Elle implique la production d’une attestation d’identité, l’achat et le transport des bornes, le déplacement d’un géomètre et de son aide, la production d’un procès-verbal d’arpentage et de bornage, le paiement d’une taxe communale et d’une contribution pour les indigents. Sans même tenir compte des surcoûts, dus à la corruption, faisant que les dépenses à prévoir s’avèrent souvent trop élevées en regard du prix d’acquisition de la parcelle. 

Par exemple, selon la loi N°1/05 du 20 février 2020 fixant les tarifs des droits d’enregistrement en cas de création d’un titre foncier, de transformation du certificat foncier en titre foncier, le prix à payer en cas de transformation du certificat foncier en titre foncier est de 40.000 BIF par page d’écriture. Ce montant est excessivement élevé compte tenu du pouvoir d’achat de la femme burundaise.

Why women

À cause de l’ignorance juridique, les femmes burundaises continuent de gérer leur quotidien foncier à la lumière des normes coutumières, qu’ils croient plus légitimes, sans ou avec peu de considération, aux lois ou aux règlements d’émanation étatique qui les garantissent leurs droits fonciers. Or, le système coutumier, ne reconnaît aux femmes que des droits secondaires d’utilisation des terres, acquis par l’intermédiaire d’un époux ou d’un parent de sexe masculin. Dans ce contexte, la femme burundaise perd facilement ses droits coutumiers en cas de décès de son conjoint ou en cas de divorce, car sa propriété foncière est non sanctionnée par un droit de propriété foncière légalement reconnu.

C’est dans ce cadre que le projet Why women, via les boots camps législatifs, le CDE et ses partenaires sont en train de réconcilier la légitimité des pratiques foncières coutumières avec la légalité des textes législatifs et réglementaires en faveur des femmes, pour faciliter l’accès des femmes à la justice et à la sécurité foncière.