Exercer le commerce ambulant en Mairie de Bujumbura, c’est accepter de jouer le jeu du chat et de la souris avec les policiers. Les vendeurs des fruits et légumes du centre-ville, et les vendeurs de friperies dans les quartiers sont les plus visés. Notre collègue Prosper Niyonkuru a fait immersion chez les commerçants ambulants, et témoigne combien ils/elles préfèrent braver les sanctions pour survivre.

Des chasses par les policiers, des tortures, du déversement de leurs marchandises, les vendeuses ambulantes dans le centre-ville en mairie de Bujumbura ne savent pas à quel saint se vouer. Nous sommes lundi 7 février 2022. Je passe au centre-ville de Bujumbura. Il est 14 heures, et le soleil tape fort. La circulation est intense comme d’habitude devant la place communément appelée Plaza. Des femmes, dont quelques-unes sont avec leurs bébés, vendent des fruits, des légumes et d’autres produits alimentaires.

Tout à coup, ces jeunes femmes vendeuses ambulantes se mettent à courir subitement à toute vitesse. Les unes se sauvent les mains bredouilles, laissant leurs marchandises sur les lieux. D’autres les cachent en dessous de véhicules garés avant de se fondre dans la masse tout en suivant ce qui se passe comme si de rien n’était. L’alerte a été donnée, il y a des policiers dans les parages et il faut sauver à tout prix son gagne-pain. Les policiers ne sont pas dupes. Ils parviennent à débusquer ces marchandises de leur cachette temporaire. Après quelques minutes, une jeune femme, cœur palpitant, vient le supplier : « Chef, je t’en supplie, donne-moi mes mandarines, c’est tout ce que j’ai ». Le policier fait durer ces supplications alternant avec quelques remontrances, rappelant que ce commerce est illégal au centre-ville. Un jeune homme à côté, Jean Mukeshimana, me murmure à l’oreille : « J’ai cessé de vendre des friperies au centre-ville par crainte d’être arrêté par la police ».

Scène habituelle

Des scènes pareilles sont légions. Il suffit de jeter un œil sur les réseaux sociaux. Estelle Ndikuriyo, avec un panier d’oranges sur la tête, confie : « Je fais ce commerce ambulant d’arachides la peur au ventre, surveillant tous les côtés pour ne pas se faire prendre par les policiers ». Rencontré tout prêt de la banque BCB, je décide de lui acheter quelques arachides pour continuer la conversation. « Cela fait 5 ans que je gagne ma vie en faisant ce petit business. Les policiers ne nous lâchent pas d’une semelle. Quand ils nous attrapent, ils nous embarquent et saisissent toutes nos marchandises, et dans ce cas, nous devons accepter de puiser dans nos maigres capitaux et bénéfices pour payer une lourde amende, ou verser des pots-de-vin afin d’échapper à la confiscation ou la destruction totale des marchandises », poursuit Estelle, avec larmes aux yeux.

Absence de choix

Le commerce ambulant est interdit par la mairie depuis 2017. Les autorités de la commune de Mukaza ont demandé à ce que ces commerçants aillent travailler dans des marchés reconnus, mais en vain. C’est ainsi que la police use de tous les moyens pour les renvoyer. Reconnaissant cette interdiction, ces commerçantes disent n’avoir pas d’autres choix. Elles expliquent que leurs capitaux sont minimes pour s’installer dans les marchés. « Nous ne sommes pas heureuses de travailler dans ces conditions, mais malheureusement, nous n’avons pas de capitaux. Comment pouvons-nous nous installer dans le marché avec un capital de 20.000 BIF alors que nous devons payer une place à plus de 100.000 BIF par mois », se demande Aline Nzisabira, une vendeuse de légumes interrogée.

D’autres disent ne pas avoir même ces petits capitaux. « Je m’approvisionne aux grossistes et leur promets de payer après la vente des marchandises. Dans ce cas, j’ai un petit bénéfice pour parvenir à nourrir nos familles, mais pas pour payer une place dans le marché ».

Piste de solutions 

Le commerce ambulant est pratiqué par des jeunes et des mamans ayant un capital presque insignifiant. Les obliger à aller louer des espaces dans les marchés serait une mission impossible. Resteront-ils dans ce jeu de cache-cache ? Il faut que le jeu cesse.

Comme ils n’ont pas de moyens suffisants pour se payer les places comme d’autres commerçants, il serait mieux de les regrouper dans des coopératives et leur accorder un prêt remboursable petit à petit, après un suivi et accompagnement. En faisant cela, le pays aura contribué non seulement à la liberté commerciale, mais aussi à l’amélioration de leur condition de vie.