Depuis 2017, le commerce ambulant est interdit dans la commune Mukaza de la mairie de Bujumbura. Alors qu’il est légal via le code du commerce, notre collègue Elias Bagirimana donne trois raisons qui devraient motiver la levée de son interdiction.

Eh oui, si la traque policière envers les commerçantes ambulantes est d’actualité, c’est parce que depuis 2017, le commerce ambulant a été interdit dans la commune Mukaza. En matière de travail, l’article 54 de la constitution du Burundi dispose  que l’Etat reconnaît à tous les citoyens le droit au travail, et s’efforce de créer des conditions de travail justes et satisfaisantes. Concernant le volet développement, il est dit à travers l’article 56 de la même constitution que l’Etat a l’obligation de favoriser le développement du pays.

La lecture de ces différentes dispositions montre que si le droit du travail est reconnu au Burundi, la nature du travail, elle, n’est pas explicitée dans la constitution. Cette situation occasionne une incompréhension au niveau du travail qui est permis (légal) et celui qui est légitime dans la dichotomie secteur formel/secteur informel. Le commerce ambulant étant du secteur informel, il n’est pas couvert par une réglementation spécifique dans l’espace commercial burundais. Une conséquence directe de cette situation est que l’exercice de la vente ambulante n’a pas sa place dans la conception « normale » du travail en général au Burundi. 

Pourtant, voici trois raisons qui donnent raison d’être au commerce ambulant.

La loi est en faveur

La contribution du commerce ambulant va dans le sens des articles de la Constitution de la République du Burundi. Cela se voit via « l’obligation de tout citoyen de nourrir sa famille » (Article 66) et « au devoir du citoyen de contribuer par son travail à la construction et à la prospérité du pays » (Article 74). En outre, la loi burundaise du code de commerce en son article 45, autorise le commerce ambulant sur tout le territoire national. Ainsi, rien ne justifierait sa perturbation en Mairie de Bujumbura. De plus, le commerce ambulant s’avère une activité qui génère des revenus qui, à leur tour, peuvent faire objet de taxes municipales si une réglementation y relative est bien pensée et mise sur pied. De ce fait, son exercice offre une voie au citoyen de s’acquitter de ses obligations envers l’Etat (Article 63 de la constitution).

La situation économique du pays

La croissance démographique et l’exode rural constituent deux des raisons majeures avancées par le Bureau International du Travail (BIT) pour justifier l’expansion du commerce ambulant dans les pays en développement. Il en est ainsi au Burundi. De plus, la fonction publique au Burundi a montré ses limites en matière d’emploi et de satisfaction salariale. Par-là, le citoyen moyen fait tout pour intégrer le cercle des citoyens financièrement indépendants, d’où le recours aux activités dites d’auto développement tel que le petit commerce ambulant.

Le respect de la dignité humaine

La réalité est là, le commerce ambulant est une activité qui s’offre comme un moyen de survie des personnes à faibles revenus. La cherté de la vie en Mairie de Bujumbura fait des vendeurs de rue une catégorie de gens très vulnérables du point de vue économique, sécuritaire et social. C’est un travail qui les expose à de nombreux risques allant de la perte de leur capital, de leurs produits, jusqu’à l’emprisonnement, en passant par l’atteinte à leur intégrité physique. Dans de telles conditions, il devient difficile d’y prospérer, donc de s’auto-développer et de contribuer valablement à l’essor de l’économie nationale. Il y a donc violation du contrat tacite et atteinte à la dignité humaine, ce qui est contraire au contenu de l’article 14 de la constitution qui avance que la dignité humaine est à respecter et à protéger. Et d’ailleurs, toute atteinte à la dignité humaine est réprimée par le Code Pénal.

De ces trois raisons, il faut partager l’idée selon laquelle, le commerce ambulant comme moyen de subsistance, contribue au renforcement du capital et de la dignité humaine, lequel constitue un facteur-clef de la croissance économique. Pour cela, il faudrait dans les meilleurs délais penser à la création d’un cadre juridique qui reconnaît le bien-fondé de cette activité comme travail, au même titre que les autres activités génératrices de revenu dans la Mairie de Bujumbura.