Pour combattre la Covid-19 au Burundi, le gouvernement a réduit de 50 % le prix du savon en subventionnant la grande entreprise Savonor, et non les petits entrepreneurs qui œuvrent dans la fabrication des savons, ce qui a ruiné leurs business. Inspiré par la campagne Kanguka notre collègue Lionel-Jospin Mugisha trouve qu’il s’agit  d’une fausse bonne idée.  

La réduction du savon de 300 Fbu vers 150 Fbu entre dans le cadre de la campagne « je guéris, ne contamine, ni ne me contamine pas » pour faire face au Covid-19. Par subvention du gouvernement à la grande entreprise Savonor, dix millions de barres de 150 gr du savon Bururu sont produites par mois, et cela, pendant trois mois.

Une bonne idée vu que le lavage répétitif des mains est une des mesures phare de lutte contre le Covid-19. Sauf que la vente du savon au Burundi était soumise à la libre-concurrence, avec d’autres petits entrepreneurs qui en fabriquaient. Malheureusement, ils n’ont pas été concernés par cette subvention, et leurs business en souffrent.

Grogne

 « Depuis l’arrivée du savon Bururu sur le marché, nous n’avons plus de clients. Malgré les tentatives de s’adapter au prix du savon bururu en réduisant les nôtres, nos stocks restent invendus, car il est devenu moins cher par rapport aux notres », se plaint Richard Nduwayo, fabricant artisanal de savon à Ngozi. 

Une situation qui contraste avec celui d’Edison, un autre fabricant du savon local à Bubanza : « Même les commerçants ayant passé des commandes auprès de notre entreprise se rétractent. Nous fonctionnons au ralenti car, alors que je gagnais 20 000 BIF de profit par jour, avoir 5000 BIF avec l’arrivée de Bururu sur le marché est un calvaire », explique-t-il, avant de renchérir que pour respecter la libre-concurrence, et promouvoir les petites et moyennes entreprises, l’Etat devrait les subventionner comme il l’a fait pour l’entreprise Savonor.

Une concurrence déloyale

En subventionnant une grande entreprise (Savonor s.a) et non les petites et moyennes entreprises, le gouvernement a étouffé leurs affaires via une concurrence déloyale. C’est l’avis de Pierre Patrick Nzambiyumva, jeune entrepreneur et représentant de la savonnerie de la Paix à Gitega qui a déjà entamé une procédure auprès du tribunal de commerce de Gitega. Pour lui, l’Etat devrait subventionner les autres entreprises qui œuvrent dans la fabrication du savon pour éviter la banqueroute, sinon, c’est plus de 1 000 salaries et des jeunes qui voient venir le chômage.

Pourtant, en 2009, le Burundi s’est doté d’une loi sur la propriété industrielle. Sa protection confère donc aux propriétaires des entreprises le droit exclusif d’exploitation, de diffusion de l’information juridique, commerciale ou technique. Bref, la protection contre la concurrence déloyale. Cependant, cette loi ne peut être gardée au tiroir, pendant que les petits entrepreneurs sont menacés.

Dans l’immédiat, la solution est simple. Le gouvernement ne devrait pas faire du favoritisme en subventionnant les uns pour étouffer les affaires des autres. Même si c’est pour une bonne cause, la subvention de toutes les savonneries du pays s’avère nécessaire, pour maintenir la libre-concurrence.