Le gouvernement du Burundi, via le Conseil des ministres du 1er octobre 2019, a décidé de se réengager dans la filière café, 28 ans après sa libéralisation. Une fausse bonne idée selon notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira, qui voit dans cette libéralisation, une opportunité pour rehausser les revenus des caféiculteurs, accroître la compétitivité de la filière café et valoriser le patrimoine de l’Etat.

La nouvelle est tombée le 1er octobre 2019. Le gouvernement va revenir dans le secteur café pour coordonner et faire le suivi de tous les maillons de cette filière. Pourtant avec la libéralisation du café, le Burundi affichait une nette embellie. En 2017, le café Burundais a été bel et bien le meilleur café du monde, en ce qui concerne sa qualité. C’était aux enchères de Boston aux USA, où le café de Kibingo, une station de lavage et de dépulpage de café de la province Kayanza, avait été acheté à 115 USD le kilo, ce qui lui a valu la première place au niveau mondial.

Même son de cloche du côté production. Pour la campagne café 2018-2019, la production dépassait les prévisions de plus de 26 mille tonnes. Elle a été de 126 171,621 tonnes de café cerise, alors qu’on s’attendait à une production de 100.000 tonnes. Cela en avait même réjoui le ministre de l’agriculture.

Ce qu’on perdra

Avec la libéralisation, le caféiculteur avait lui-même le droit de produire son café, de l’usiner ou de le faire usiner, et le vendre au plus offrant. Il n’était plus obligé de passer par l’intermédiaire, en cédant son café aux usines publiques de Sogestal, ce qui diminuait le prix sur toute la chaîne. Les producteurs du café avaient pris les choses en main et avaient construit leurs propres stations de dépulpage-lavage (SDL). Le café qui n’était pas traité dans ces SDL était cédé aux usines privées.

La concurrence était là et les caféiculteurs en profitaient. « Alors que dans le temps, il fallait vendre obligatoirement dans les usines publiques du Sogestal, maintenant il y avait beaucoup d’autres intervenants privés », témoigne un caféiculteur de Mutaho, à Gitega. Les caféiculteurs avaient alors beaucoup de possibilités de vendre, à des prix qu’ils jugeaient intéressants et acceptables. 

Les entraves

Si la libéralisation a été inachevée, la faute revient à l’Etat et aux banques, selon un caféiculteur de Mutaho. En réalité, malgré cette libéralisation, l’État avait gardé le droit d’imposer le prix. En un mot, le prix n’a jamais été libéralisé. En plus de ça, les banques ont qualifié de novices sans expérience ces nouveaux coopératifs et opérateurs privés, et se sont méfiés en les privant des garanties bancaires. Ils ont eu alors du mal à acquérir des crédits pour financer leurs opérations, et payer les producteurs dans les délais requis. Comparativement aux Sogestals, où le gouvernement pourvoit des garanties auprès des banques. Autant d’obstacles à une réelle libéralisation.

Ce retour du gouvernement dans la gestion du secteur café ne présage rien de bon. Dans le passé, cette gestion étatique avait donné lieu à plusieurs abus qui avaient motivé la libéralisation de ce secteur. Il me semble bien plus rationnel qu’il fallait au contraire achever cette libéralisation, en la purifiant de toute entraves, et laisser le marché libre à tous les opérateurs, pour permettre aux caféiculteurs de choisir les marchés les plus offrants.